Shadow Days
D ernière découverte en date d’un cinéma chinois qui n’a de cesse d’envoyer sur nos écrans de nouveaux noms plus ou moins jeunes (Zhao Dayong sort pour la première fois chez nous mais n’en est pas à son coup d’essai. il a déjà réalisé une fiction et trois documentaires dont l’un, Ghost Town. se situait dans la même région), Shadow Days enregistre dans un petit village de la Chine rurale les secousses de la politique de l’enfant unique, abandonnée en octobre dernier après trente-six ans de coercition.
Renwei, jeune homme au passé nébuleux, y débarque avec sa compagne enceinte et s’acoquine alors avec la bande quasi mafieuse en charge de contrôler les naissances sous la direction de son oncle, maire de la ville.
C’est avec les armes du film de gangsters que Zhao Dayong fait monter une barbarie sourde, comme un air vicié dont s’enivrent peu à peu les protagonistes, gagnés par une absurde sauvagerie à mesure que le film dévoile de plus en plus durement les horreurs de la Chine postmaoïste.
A l’aide d’une mise en scène sobre et inspirée, le cinéaste joue des anfractuosités du village comme d’un labyrinthe de ruelles, de balconnets et de cours en ruines où dort la violence sociale, et capte soigneusement la progression de cette déshumanisation systémique qu’instaure, d’une maison à l’autre, une aberrante bande de stérilisateurs assermentés.
Shadow Days fait aussi montre d’un certain sens de la suggestion fantastique, parsemé d’étranges visions hantant les personnages, insinuant dans les dialogues une paranoïa qui vient se réchauffer au feu des croyances et du chamanisme.
Même si ce versant du film n’est pas le plus finaud, force est de reconnaître au film sa réussite. Zhao Dayong dessine patiemment le visage hideux de la barbarie sociale, et croit assez fort à un langage plutôt apparenté au cinéma de genre pour éviter les écueils pontifiants du film à sujet. Théo Ribeton
Shadow Days de Zhao Dayong (Chine, 2014, 1 h 39)